Paula Gerbase, John Lobb : tradition et modernité

Il y a deux ans, nous annoncions son arrivée à la tête du style John Lobb. Un événement dans notre profession, la vénérable maison ne s’étant jamais durant toute son histoire assuré les services d’un directeur artistique. Une jeune femme styliste pour John Lobb : le bouleversement avait de quoi affoler le Landerneau de la chaussure haut de gamme. Pas de révolution pourtant durant les mois suivants : la nouvelle directrice artistique était au travail : elle s’immergeait dans l’ADN de la maison, préparait celle-ci au virage du XXIème siècle. Elle a pris son temps, et nous explique aujourd’hui pourquoi. Propos recueillis par Yves Denis

La maison Hermès, à laquelle comme chacun sait appartient John Lobb, qui constitue en quelque sorte son département chaussure homme de grande tradition, ne fonctionne pas comme les autres, et surtout pas comme les maisons dites de mode. Ici qualité ultime se conjugue avec patience et longueur de temps : les décisions fondamentales n’y sont jamais prises à la légère, et toujours sur le long terme, et il en va ainsi également pour John Lobb. Aussi l’annonce de l’embauche de Paula Gerbase était-elle loin d’être anodine : d’abord création du premier poste de directeur artistique de l’histoire de la maison, ensuite emploi à ce poste d’une jeune styliste, enfin choix du profil de celle-ci, éminemment cosmopolite. Son arrivée était rapidement illustrée par la présentation de la première basket de l’histoire de la maison, puis une première salve de classiques revisités – superbes Endel et Harbour cuir et toile Canvas, audacieux derby Bay… – présentée début 2016. Mais aucune communication autour de la nouvelle directrice artistique, impossibilité de rencontrer celle-ci pour l’interviewer. Du grand art en terme de communication mais surtout une position totalement conforme à ce qui a toujours été le crédo du groupe : le produit d’abord, le produit seulement.

Le parcours de la styliste est pourtant intéressant dans ce qu’il a d’atypique, à la fois singulier et traditionnel – au bout du compte sans doute les caractéristiques qui ont suscité l’attention d’Hermès. Née d’un père Italien et d’une mère Allemande, tous deux médecins travaillant pour l’ONU et à ce titre en poste dans tous les coins du monde, Paula parle couramment sept langues. « J’ai grandi comme ça et pour moi c’était normal, s’excuse-t-elle aujourd’hui : tous les élèves qui fréquentaient les mêmes écoles internationales que moi, étaient un peu comme moi ». Dans l’ombre de ses nomades de parents, Paula nait au Brésil où elle vit jusqu’à l’âge de six ans, avant que son père soit nommé aux Etats-Unis, puis en Suisse où il intègre l’OMS. « C’est seulement quand je suis arrivée à Londres pour la St Martins que je me suis rendue compte que mon background n’était pas courant » précise-t-elle.

Pointure : Votre métier de styliste : vocation ou hasard de la vie ?

Paula Gerbase : « J’ai toujours dessiné, toujours créé avec mes mains ; très petite je faisais beaucoup de sculpture, de dessin et de peinture. Et quand je suis arrivée aux Etats-Unis à l’âge de six ans, le premier jour d’école je ne parlais pas Anglais et je ne comprenais donc rien à ce que disait le professeur. Dans ma classe une petite fille japonaise était dans le même cas que moi. On s’ennuyait, on ne se connaissait pas et on n’arrivait pas à communiquer, mais on comprenait toutes les deux que l’on était un peu perdues. Elle a mis une feuille de papier devant elle et a commencé à la plier, elle m’a fait signe de faire comme elle et elle a commencé à m’apprendre l’origami. C’est la première fois que je me suis rendu compte qu’on pouvait partir d’une feuille plate et créer un objet en 3D en la pliant. Je pense toujours que c’est à la suite de ce moment-là que des années plus tard j’ai eu le déclic que l’on pouvait faire pareil avec le tissu. Toute ma vie ensuite j’ai toujours fait de l’origami, j’en ai des centaines et j’en fais toujours parce que ça me relaxe.

Vous souvenez-vous quand vous avez commencé à être attirée par le vêtement ?

C’est en Suisse dans les années 90. Je regardais beaucoup ce qui se passait dans la mode, et plus de choses se passaient à l’époque en terme de créativité. Je m’y suis intéressée et j’ai commencé à créer des chemises, en commençant comme tout le monde mes premières expériences avec du papier. A l’école j’avais un prof d’art originaire de Manchester, qui était incroyable et qui m’a pris sous son aile. Il m’a ouvert les yeux sur la mode, l’Angleterre, Londres, et St Martins. A 17 ans j’ai envoyé mon CV à St Martins pour le Foundation Course et j’ai intégré l’école à 18 ans. C’était un vrai changement : j’étais toute seule à Londres où je n’avais jamais été auparavant, c’était un autre monde. Et à l’époque, c’était une école très libre.

Elle ne l’est plus ?

Ca a un peu changé. A l’époque l’immeuble était à Soho alors qu’il est maintenant à Kings Cross, dans un énorme immeuble ultra moderne. Lorsque j’y étais les escaliers étaient sales, c’était un vrai mess mais on se sentait très libres, on pouvait collaborer avec les autres studios, je descendais au sous-sol pour regarder ce qu’ils faisaient en sculpture, c’était quelque chose de très collaboratif.

Combien de temps durent les études à St Martins ?

Il y a une année de Foundation, puis quatre ans pour le BA de Fashion Womenswear.

Les miennes ont pris une année de plus, parce que durant ma deuxième année j’ai réalisé mon rêve de toujours, qui était d’aller à Savile Row. Ma première année m’avait un peu frustrée, parce que bien sûr c’était très créatif mais je voulais apprendre comment monter une manche sur une veste, la construction d’un costume, d’un col, ce qu’il y a dedans… L’un de nos profs savait que j’avais envie d’aller à Savile Row et il m’a introduit chez Hardy Amies, qui n’était pas connue du tout à l’époque. C’était une maison de couture femme mais les maris des clientes accompagnaient souvent leur femme et se faisaient faire des costumes, et j’ai beaucoup appris avec eux. Le coupeur pour homme était Napolitain, comme mon père, et j’ai eu la chance qu’il me prenne lui aussi sous son aile : il m’a dit « Si tu veux vraiment apprendre à couper, il faut que tu fasses l’homme. D’accord tu connais la femme, mais l’homme c’est une toute autre chose » et il m’a envoyée chez Kilgour, où il avait un copain napolitain. Cette année a été très formatrice : d’un côté je suivais St Martins, où tout était complètement libre, et de l’autre à Hardy Amies je faisais deux jours dans l’atelier femme et un jour dans l’homme.

Donc concrètement une formation sur un an ?

J’ai commencé cette année-là. Après, cela prend toute une vie. J’ai passé six ans à Savile Row et j’y ai appris un respect pour les gens qui se dévouent toute leur vie à une seule chose, et la beauté de cela.

Vous entrez donc chez Kilgour…

Une année après mon arrivée ils ont décidé de créer une collection prêt-à-porter, ce qui était aussi pour eux une question de survie. Aujourd’hui il y un certain cool à Savile Row mais à l’époque, nous étions alors en 2004-2005, j’étais la seule femme sur la rue et personne à St Martins ne s’y intéressait – mes condisciples me trouvaient complètement bizarre et me demandaient « Que fais-tu avec ces vieux types ? ». Alors que moi, j’étais très fière d’y travailler. Ensuite on m’a demandé de laisser tomber St Martins pour travailler chez Kilgour à plein temps, mais j’ai beaucoup de mal à laisser tomber une chose que j’ai commencée avant qu’elle soit finie, et bien finie, aussi j’ai approché la direction de l’école et j’ai demandé à prendre une année de césure pour travailler. Durant cette année je me suis consacrée entièrement à Savile Row, ensuite on a mis des choses en place pour la collection et j’ai pu revenir à St Martins pour faire ma dernière année, en travaillant à mi-temps chez Kilgour. Après, lorsque j’ai eu fini St Martins, j’ai continué quatre années encore chez Kilgour en tant que designer : j’y faisais les collections et je travaillais sur le bespoke, avec les tailleurs. Ayant étudié la femme, j’aimais beaucoup ce contraste et je me retrouvais sur l’homme, parce que l’homme c’est le détail. A l’inverse chez la femme c’était une frustration parce que ce n’est jamais le tissu ou le détail. Et cela me frustrait aussi pour m’acheter mes propres vêtements, même dans les grandes maisons, parce que je travaillais avec la qualité mais je ne la retrouvais pas pour moi-même : je retrouvais bien les matériaux de luxe mais pas le savoir-faire tailleur. J’ai donc commencé à porter des vêtements et des chaussures d’homme.
Je recherchais les vieilles pièces, j’en ai trouvé dans les sous-sols que les clients n’étaient jamais venus chercher, et comme on savait que c’était ce que je cherchais, on venait me trouver lorsque l’on mettait la main sur quelque chose. On trouvait même quelquefois des choses qui étaient restées de la femme, datant des années 60 et 70, et j’ai de très belles pièces comme cela. Au bout de six ans je me suis dit qu’il était temps que je fasse quelque chose pour moi, et j’ai décidé de me lancer sur ma propre marque.

Vous aviez donc à l’époque 25 ou 26 ans ?

  1. Je voulais me lancer sur la femme et j’avais fait quelques vestes, mais un ami m’a présentée à un homme d’affaires japonais qui possède les magasins United Arrows, qui m’a poussée à créer une mini collection homme, qui est finalement devenue unisexe et a été distribuée dans tous les grands points de vente japonais : Isetan, Beams, Tomorrowland… C’est comme ça que j’ai
    commencé ma marque, sous le nom 1.2.05.

Pourquoi pas Paula Gerbase ?

D’abord pour les langues. Quand on est Français on peut prononcer Hermès ou Vuitton, que l’on dit en Français. Mais il y a toujours une personne japonaise, ou anglaise ou brésilienne, qui ne comprend pas ou n’arrive pas à prononcer. Alors que les chiffres sont internationaux : tout le monde peut les prononcer dans sa propre langue. Et ensuite pour le sens. 1.2.05, en Europe c’est difficile à expliquer, mais au Japon c’est un concept d’art abstrait : on ne l’explique pas, il faut regarder l’objet et essayer de le comprendre pour soi-même. Et c’est ça que je voulais faire, même si je n’ai jamais pu moi-même l’expliquer : je ne voulais pas que ce soit une marque que l’on conceptualise avec son nom : je voulais créer quelque chose qui interroge et que l’on comprend en le portant, que les clients s’approprient ; que les gens mettent leur propre interprétation. Chaque personne peut porter mes vêtements de façon très différente : de très classique à très mode, et c’est ça qui m’intéresse : le caractère de la personne qui le porte. J’aimerais que mon travail devienne un cadre pour la personnalité de celui qui le porte.

Et puis arrive John Lobb. C’était il y a deux ans, vous êtes à Londres… n’êtes-vous pas surprise que cette maison-là en particulier vienne vous faire une proposition ?

Ce n’était pas une marque que je connaissais bien : je connaissais le nom mais pas la collection. Ca m’a intriguée parce que c’étaient des chaussures et que je n’avais presque jamais dessiné de chaussures. Mais je savais que je travaille toujours très bien avec les artisans, parce que j’ai un respect pour ce qu’ils font, et j’ai toujours compris que mon travail en tant que designer n’a jamais été de m’imposer sur le produit, mais toujours de rechercher les valeurs du produit, parler avec les artisans et utiliser ce que j’apprends pour ensuite créer quelque chose – finalement c’est un dialogue entre une dizaine de personnes…

La manufacture m’a toujours intéressée aussi, même si je sais qu’il n’est pas normal pour les stylistes de s’intéresser à la fabrication !

C’est bien le problème : trop souvent le styliste n’a pas idée des techniques et des contraintes de fabrication, et il s’en fiche ! Il pense en lignes, en matières et en couleurs, pas en termes de faisabilité technique…

Moi j’apprends toujours, je pose peut-être
quelquefois des questions bêtes, mais ces questions naïves font avancer les choses. Et aujourd’hui nous commençons à faire techniquement des choses qui n’auraient pas été sans ces questions candides.

Donc John Lobb vient vous voir. Comment cela se passe-t-il ?
Mon premier contact est avec Pierre-Alexis Dumas, puis j’ai rendez-vous avec lui, Guillaume de Seyne (codirecteur général du groupe Hermès, ndlr) et Renaud Paul-Dauphin (directeur général de John Lobb, id.), ce qui est pour moi très intéressant parce que j’ai eu auparavant des entrevues et des entretiens avec d’autres maisons. Je travaille toujours sur le feeling : si je ne sens pas un travail je ne le fais pas, c’est un choix ; et là, avec cette « famille » j’ai senti que l’on avait des valeurs en commun : dès le premier rendez-vous on avait un dialogue très ouvert, et je sentais qu’ils me faisaient confiance. J’ai aussi aimé leur sens du risque de venir me chercher, qui me donnait aussi envie de le faire, parce que c’était un challenge. J’ai toujours eu cette soif d’apprendre, de m’éduquer, et la chaussure de cette qualité, pour moi c’était comme si je revenais à mes jours de Savile Row. J’ai d’ailleurs ressenti cela dès que je suis entrée à l’atelier à Northampton : je m’y suis sentie chez moi. Ce n’était pas la première fois que j’allais dans une manufacture de chaussures, mais cette volonté de faire tout au meilleur niveau c’était très inspirant.

Si je comprends bien, vous trouvez chez John Lobb une forme de transposition de ce que vous avez appris à Savile Row, de l’art tailleur dans l’art bottier. A votre avis, pourquoi vous ?

Ils ne me l’ont pas dit. Je pense, j’espère, qu’ils connaissaient mon travail, et peut-être est-ce cette idée de quelqu’un qui crée quelque chose de moderne avec des techniques traditionnelles : un styliste qui ait ce respect pour la fabrication et la tradition.

Comment recevez-vous la collection que vous découvrez alors ?

C’étaient vraiment mes débuts. J’ai demandé du temps à Pierre Alexis et Renaud, pour vraiment m’imprégner. Je commence tous mes projets comme cela, et il faut vraiment que je passe du temps à étudier. Je voulais du temps à passer avec les artisans du sur-mesure à Paris et avec ceux de Northampton, même avant de commencer à créer des modèles : pour installer une confiance. Et un dialogue.

J’ai bien sûr visité les archives, et j’ai commencé un travail de recherche presque archéologique : j’ai fouillé un peu partout, jusque dans les greniers de Northampton, dans les placards, j’ai découvert que John Lobb venait de Cornouailles et je suis donc partie en Cornouailles, dans sa ville natale, j’ai pris beaucoup de photos, j’ai travaillé avec un historien pour m’imprégner de son histoire. Je voulais avoir la vérité, il était important pour moi de vraiment comprendre qui était John Lobb à la base, et pas seulement de créer des chaussures qui portent son nom. Avec cet historien j’ai compris qu’il venait de Cornouailles, qu’il a marché de là jusqu’à Londres en 1851, j’ai fait cette marche aussi – pas entièrement mais sur la majeure partie de son parcours – et je pense que ça m’a énormément aidée pour tous les choix que j’ai faits ensuite. Pour chaque choix que je fais maintenant je reviens aux bases, aux valeurs, parce que je connais sa ville natale, les pubs, les couleurs de Dartmoor en automne, en hiver, les rochers, les tons ; je reviens toujours à la nature du Devon et de la Cornouaille, et nous travaillons avec les tanneries pour essayer d’obtenir ces tons.

Juste une question : que portiez-vous aux pieds lors de votre marche depuis la Cornouaille ?

(rires) Des Nike !

Ttt ttt ttt… (rires) Avec quelles tanneries travaillez-vous ?

Plusieurs, la principale étant la Tannerie du Puy. Il y a aussi des experts du cuir à Northampton, avec qui on travaille au développement.

Parlons de développement, précisément. Comment avez-vous abordé vos premiers modèles, et votre première collection ?

J’ai passé beaucoup de temps en magasins à parler avec les clients – il était important pour moi de comprendre ce qu’ils attendent, ce dont ils ont envie. Ils m’ont surprise parce qu’ils attendaient des chaussures de sport alors qu’à l’époque je pensais que ce ne pouvait être que du cousu. Mais ils voulaient la qualité John Lobb en sport parce qu’ils voyagent, prennent l’avion, sont en casual le week-end. J’ai donc fait un apprentissage des deux côtés et le client a été prescripteur pour beaucoup de modèles que je n’aurais pas osé faire.

Vous continuez de visiter les boutiques aujourd’hui encore ?

C’est un peu plus difficile parce que les clients me reconnaissent parce qu’il y a eu un peu de presse, mais je les observe lorsqu’ils essayent différents modèles en montage léger et en goodyear, notamment lorsque ce sont des clients qui n’ont pas l’habitude de la chaussure anglaise. Et je suis aussi contente de constater que d’anciens clients, qui étaient passés à d’autres maisons, reviennent chez nous.

Votre prise de fonctions a d’abord été marquée par le sneaker Levah, puis la basket Porth et les peaux exotiques, et cet automne votre première collection complète… il est clair que vous avez fait bouger les lignes. D’un autre côté, c’est aussi exactement pourquoi la maison a engagé le premier directeur artistique de son histoire…

Je voulais moderniser de façon subtile, ce sont vraiment les clients qui m’ont poussée à aller beaucoup plus loin. Je suis partie de la base de la qualité : les cuirs, les matières premières, et dans les archives mesure il y a aussi une tennis des années 20…

C’est bien vu, et cela répond clairement aux attentes de l’époque. A l’autre bout de la chaîne, quid des « complications » : le cousu norvégien, le nez monté sur chair, le cuir remplié ?…

Ils avaient perdu le norvégien avec le temps, je le réintroduis. Chaque année on fait aussi cinq modèles Artisan Series, pour lesquels je travaille avec l’atelier mesure – mais le travail c’est vraiment eux, je ne fais qu’éditer leurs idées. Je leur demande des techniques anciennes, on travaille sur la légèreté… On a notamment travaillé sur la construction de la semelle : cuirs plus souples, plus légers, un peu plus fins… A l’atelier de Northampton on a essayé de gagner quelques grammes sur chaque élément.

Comme en F1 !!! (rires)

Exactement, et c’était vraiment un challenge. Les artisans ont beaucoup aimé ça.

Vous allez capter la clientèle des deux roues, et elle est inépuisable… Il y a vingt ans quand on parlait de semelle gomme la connotation en était très sport, et loin du luxe, et puis au fil du temps elle s’est imposée, jusqu’à être devenue aujourd’hui un standard, même dans le haut de gamme.

C’est ce travail que l’on a commencé avec le sur-mesure, et j’essaye aussi de créer un dialogue entre les artisans du sur-mesure à Paris et ceux de Northampton, et vice-versa, et moi je fais un peu le pont, j’essaye de prendre des idées. Ils peuvent travailler plus ensemble parce que les deux ont à apprendre des autres, et maintenant ils s’intéressent beaucoup plus au travail des autres, ils s’inspirent – je pense notamment aux formiers mesure de Paris, qui travaillent désormais beaucoup pour le prêt-à-porter. Arriver et tout changer n’aurait eu aucun sens.

On remarque donc notamment une évolution discrète sur les formes…

Lorsque je suis arrivée il y avait plus de carrés et de pointus, que je ne trouvais pas dans l’esprit John Lobb. J’ai trouvé dans les archives beaucoup de chaussures de marche et de bottes dont les formes étaient plus fluides, plus élégantes, moins abruptes que les bouts carrés, et toutes les formes qui nous travaillons aujourd’hui ont presque une forme d’amande : elles sont plus fluides et c’est ce que le client recherche aujourd’hui.

Où voulez-vous emmener le style John Lobb ?

Mon travail n’est pas un travail saison par saison : ce serait une erreur de faire cela avec une maison comme John Lobb. J’aimerais créer une collection qui inspire le client, que celui-ci s’approprie, avec les codes spécifiques de la maison que l’on essaye d’imprégner dans tous les produits : cette qualité, cette intégrité, et créer des chaussures que le client puisse porter en toutes circonstances. J’ai de la chance parce que le client John Lobb est très exigeant et sait exactement ce qu’il veut, et il n’a pas peur de le dire.

Ca peut faire peur mais on peut apprendre avec eux, et c’est un challenge. Nos clients attendent beaucoup de nous et j’aimerais continuer cette tradition, mais aussi une tradition d’innovation, parce que John Lobb a commencé avec cela. Quelque part mon propre vécu a quelque chose de similaire avec son parcours initiatique. »
Légendes photos :

L’Aley retiendra l’attention des amateurs à plus d’un titre. D’abord il s’agit d’un loafer, un genre revenu très à la mode. Ensuite il bénéficie de la qualité légendaire de John Lobb, tant pour ses finitions que pour la qualité de son veau-velours. Et puis il y a cet empiècement remplié, entre languette et strap, qui signe le modèle.

Avec le Levah, John Lobb a lancé sa première basket. Paula Gerbase la décline aujourd’hui dans une nouvelle peausserie (WaxedSuede) et de nouvelles couleurs, qui en font un modèle sport et casual universel, susceptible de séduire les jeunes autant que les vieux, les classiques, les modernes…

Manufacture de Northampton et à l’atelier mesure, à Paris.

Même le modèle emblématique William a eu droit à une évolution de détail, en bénéficiant d’une forme – et donc d’un bout – subtilement affinée. Sans parler des nouvelles peausseries (comme ici le TanMoorlandGrain) et de la version montante.

Avec le Isle, Paula Gerbase a revisité le Livonia, connu comme la « Rolls des boat-shoes », désormais pourvu d’un bout un peu plus fluide, mais toujours des mêmes finitions hyper soignées pour une chaussure de ce genre. Un must.

Pin It on Pinterest