
Le sneaker bottier, une révolution intergénérationnelle
Un regard appuyé sur le plus technique entre tous, car le seul sneaker qui soit vraiment d’origine bottière. Sans surprise, c’est à la maison Llafia que nous le devons.
Nous avons déjà eu l’occasion de nous pencher sur les réalisations de cette petite entreprise familiale, d’abord parce que c’est à elle que l’on doit le prêt-à-porter entièrement fait à la main, ensuite parce que Frank Llafia et son fils Ludovic ont combiné leur savoir-faire respectif (l’un étant maître bottier et l’autre ajoutant à cet art les compétences d’études médicales spécialisées dans l’orthopédie) ont développé un système de prises de mesures décliné à partir des dernières avancées médicales, afin d’apporter de vraies solutions de confort à tous ceux qui souffrent de malformations et – parce que qui peut le plus peut le moins –
à tout un chacun en matière de confort.
Aussi ne peut-on voir que comme un événement que cette technique, qui profitait jusqu’à présent uniquement aux chaussures classiques, fasse désormais aussi les beaux jours des sneakers.
Nous ne reviendrons pas ici sur les dangers liés au port permanent de chaussures de sport, responsables de divers maux touchant notamment les jeunes. Par l’ampleur de son succès le sneaker est devenu un véritable phénomène de mode, qui touche aujourd’hui une population extrêmement large, et notamment une population jeune peu coutumière de l’univers bottier. Il s’agit cependant d’un phénomène paradoxal qui, s’il propose à son public des chaussures confortables, est aussi la cause de problèmes divers, comme l’avachissement de la voûte plantaire et les mycoses. Ce qui fait qu’il justifie finalement plus encore qu’une chaussure cuir traditionnelle une approche paramédicale, aux antipodes desquels se trouvent les millions de paires fabriquées industriellement dans les pays en voie de développement.
C’est pourquoi le premier sneaker Llafia représente une évolution importante qui ne pouvait que nous intéresser.
Après deux ans de développement, le premier sneaker maison nous a été révélé début juillet. « C’était une idée que les jeunes avaient émis et j’ai du suivre par la force des choses, concède Frank Llafia, et je reconnais que j’ai eu tort de ne pas accepter dès le début. »
Concrètement, le bottier et son fils ont développé le premier sneaker doté d’une véritable semelle anatomique, et celui-ci diffère de ses aînés richelieu, derbies et bottines, par le fait qu’il utilise une machine pour effectuer la couture de la semelle gomme après la vulcanisation de celle-ci. Pour le reste, l’Enzo (c’est le nom du sneaker maison : le prénom du neveu de Frank) est fabriqué selon les mêmes critères que les autres modèles de la maison, et avec les mêmes box végétaux neutres. Il dispose surtout, sorte de botte secrète, d’une semelle de confort personnalisée pour chaque pied.
Alors que nous le découvrons, Ludovic nous précise « Notre base reste évidemment la botterie : il ne faut pas prendre l’Enzo pour un nouveau fer de lance, ce n’est pas notre ADN, mais il répond à une volonté de proposer un produit plus jeune. »
Techniquement, le bottier a doté l’Enzo d’une base rétrocapitale destinée à faire porter le pied derrière la tête des métatarsiens, afin de répartir les charges sur l’avant-pied en comblant les vides formés entre le pied et la chaussure : ce faisant, il répartit totalement les charges par rapport à la plante et au sol. Il y a ajouté une voûte plantaire accompagnée d’une cuvette talonnière (en médecine orthopédique un « anneau de Swartz »), qui soutient le talon et comble les vides, responsables des hyper-appuis qui donnent mal aux pieds. Ludovic précise : « La répartition des charges totale assure un maintien et une meilleure dynamique des pas. Bien entendu tous ces éléments ne sont pas placés là par hasard : ils sont retravaillés pour chaque personne en fonction des renseignements fournis par notre plateforme podologique.»
Hormis la semelle gomme, le montage est celui d’une chaussure classique.
Le sneaker Llafia utilise un box végétal 10/12, une force qui a imposé un travail sur le style. Pour minorer visuellement cette largeur, les deux hommes ont conçu d’implémenter des quartiers en veau-velours dont l’aspect mat gomme l’impression de largeur. Enfin, le glaçage du bout parachève la personnalité de la chaussure.
Il n’a pas été lui-même sans soulever un problème technique, la gomme devant être cousue pratiquement sans toucher la chaussure, qui est finie et bichonnée avant que la gomme soit collée et cousue. Et parce que nous sommes ici dans l’univers de la botterie, le calcéophile a toujours la possibilité de faire personnaliser son modèle. Parce que l’on sait l’esthétique primordiale plus encore s’agissant d’un sneaker que d’une chaussure classique.
Au bout du compte c’est Elton, frère de Frank et père d’Enzo, qui résume le mieux le confort du nouveau modèle : « Il est si confortable que j’appelle cela une chaussure à mémoire de forme. C’est une chaussure qui fait oublier ses pieds : on sent plus la chaussette que la chaussure ! Lorsque je les ai aux pieds, je ne les changerais pour rien au monde ! »
Déclinaison contemporaine du prêt-à-chausser maison, l’Enzo apparaît donc d’emblée comme un sneaker différent des autres, de tous les autres aussi prestigieux soient-ils, et promet un confort introuvable par ailleurs. Ce qui est tout de même un petit plus qu’un détail dans notre spécialité.
@Photos Jean Chevalier
- Le sneaker Enzo en versions haute et basse. On notera le patronage particulier des empiècements latéraux de veau-velours, qui tendent à fluidifier la ligne.
http://www.llafia-bottiers.com
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An intergenerational revolution
Looking at the most technical of all, because the only one made by a bootmaker.
We have already had the opportunity to look at the achievements of this small family business company, first because it is the one who offers the ready-to-wear entirely made by hand, then because Frank Llafia and his son Ludovic combined their respective know-how (the bootmaker and his son adding to this art the skills of medical studies specialized in orthopedics) developed a bespoke system declined from the latest medical advances, in order to bring real comfort solutions to all those who suffer from malformations and – because who can most can least – to everyone in terms of comfort.
So it can only be seen as an real event that this technique, which until now has only benefited classic shoes, now also serves the sneakers.
We will not return here to the dangers associated with the permanent wearing of sneakers, responsible for various ills affecting young people in particular. Because of its success, the kind has become a real fashion phenomenon, which today affects an extremely large population, including a young population uncommon with the bootmaking world. However, it is a paradoxical phenomenon which, while it offers its public comfortable shoes, is also the cause of various problems, such as the subsidence of the foot arch and the mycoses. As a result, it justifies a paramedical approach, which is the antithesis of the millions of pairs manufactured industrially in the developing countries.
That’s why the first Llafia sneaker represents an important development that could only interest us. “It was an idea that the young people had issued and I had to follow by force, concedes Frank Llafia, and I acknowledge that I was wrong to not accept from the beginning.” The Enzo is made according to the same criteria as the other models of the house, and with the same neutralbox calves. It has mostly a comfort sole customized for each foot.
Technically, the bootmaker has endowed the Enzo with a base “retrocapitale” intended to bring the foot behind the head of the metatarsals, in order to distribute the loads on the forefoot by filling the voids formed between the foot and the shoe. Making, it totally distributes the loads with respect to the plant and the ground. He added a plantar arch with a heel cup (in orthopedic medicine a “ring of Swartz”), which supports the heel and fills the voids, responsible for the hyper supports that give pain to the feet.
Apart from the rubber sole, the welting is that of a classic shoe. The Llafia sneaker uses a 10/12 vegetal boxcalf, a force that has imposed a work on style.
Because we are here in the bespoke universe, the connoisseur keeps the possibility to make personalize his model. Because one knows the primordial aesthetics even more when it comes to a sneaker than a classic shoe.
Ultimately, it is Elton, Frank’s brother and Enzo’s father, who sums up the comfort of the new to the model: “It’s so comfortable that I call it a memory shoe. It is a shoe that makes one forget one’s feet: one feels more the sock than the shoe! When I have them,
I will not change them for anything in the world!”
A contemporary version of the Llafias ready-to-wear, the Enzo immediately appears as a sneaker different from the others, of all the others as prestigious as they are, and promises comfort not found elsewhere. Which is still a little more than a detail in our specialty.